Accéder au contenu principal

La France dans la crise anglophone

La part de responsabilité de la France

Dans le conflit qui l’oppose aux séparatistes anglophones, Paris ne s’est pas cachée pour afficher son soutien à Yaoundé. Il pouvait difficilement en être autrement. À en croire ses propres câbles diplomatiques, d’éminents juristes et historiens, la République du Cameroun, telle qu’on la connait aujourd’hui, est en partie l’œuvre de la France. Pourtant, sa contestation est la source du problème anglophone. Et le conflit actuel dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest (partie du Cameroun occidental qui décida de se rattacher au Cameroun oriental pour former la «République du Cameroun», l’autre partie ayant été rattachée au Nigéria) en est une métastase.

Le président camerounais Ahmadou Ahidjo et le président français Charles de Gaulle, suivi par Jacques Foccart, 21 juin 1967. ©AFP - AFP PHOTO

Adjuvant exogène
Nombre de ressortissants de ces deux régions estiment que cette construction s’est faite au détriment de leurs cultures et traditions institutionnelles, juridiques, administratives… Ce que confirme d’ailleurs une pile de courriers échangés entre les diplomates français présents au Cameroun et ceux destinés au ministère français des Affaires étrangères, sur la période 1961-1985, dont Intégration a obtenu copie. Dans une lettre, datée du 8 janvier 1962, adressée au nouveau consul de France à Buea, Jean-Pierre Bernard, l’ambassadeur de France au Cameroun de l’époque, affirme en substance : alors que la «conférence de Foumban de juillet 1961» prévoit de respecter «la personnalité des deux États membres», Ahmadou Ahidjo, ancien président du Cameroun oriental, devenu président de la République fédérale du Cameroun, entreprend, après la réunification, de «franciser le territoire occidental». Ce processus se fait avec l’aide de la France.

Selon Fabien Nkot, pour parvenir à leur fin, Ahidjo et Biya, son successeur, utilisent la «perversion politique du droit». L’actuel conseiller technique des services du Premier ministre théorise le concept dans sa thèse intitulée «Perversion politique du droit et construction de l’État unitaire au Cameroun», soutenue en février 2001 à l’université de Laval au Québec. Son travail de recherche démontre que dans le cadre de l’instauration de l’État unitaire, «les dépositaires du pouvoir imaginent et élaborent un ensemble de techniques de tricherie juridiques qu’ils mobilisent progressivement et systématiquement pour atteindre des objectifs politiques qu’ils se sont préalablement fixés». Et la France est le seul pays cité par le juriste et politiste camerounais, comme «adjuvant exogène aux pratiques de perversion politique du droit». Selon Fabien Nkot, Paris joue ce rôle à travers les conseillers juridiques français dont les présidents camerounais s’attachent les services et le transfert de technologies juridiques.

M. Ahidjo à l'Elysée 14 septembre 1965 Après sa rencontre avec le général de Gaulle, le président du Cameroun, Ahmadou Ahidjo répond aux questions des journalistes sur la situation intérieure du pays et ses relations avec les autres États africains en présence de Jacques Foccart

Soutien 

Nombre d’anecdotes existent sur l’intérêt de l’Hexagone dans le projet d’assimilation des régions du Nord-ouest et Sud-ouest. Le cardinal Christian Tumi en rapporte dans son livre «Ma foi : un Cameroun à remettre à neuf» , paru en 2011 aux Éditions Veritas. «Nous étions invités, d’autres évêques d’Afrique francophone et moi, à l’ambassade de France auprès du Saint-Siège. (…) Un fonctionnaire de l’Ambassade de France m’approcha et (…) me dit : Nous (la France bien sûr) sommes contents que vous soyez en train de réussir l’assimilation culturelle des anglophones», écrit le prélat.

«Jean-Pierre Bernard, ancien ambassadeur de France au Cameroun: «Nous ne saurions nous désintéresser de la volonté du gouvernement camerounais de faire bénéficier l’ancienne zone britannique de l’acquis de 40 ans d’administration française. Nous devons au contraire l’appuyer et lui apporter notre entier concours. C’est dans cette perspective que devra être essentiellement orientée votre action»

Les instructions de Jean-Pierre Bernard à Ives Robin, nouveau consul de la France à Buea, le 8 janvier 1962, sont encore plus explicites sur le rôle de Paris. «Nous ne saurions nous désintéresser de la volonté du gouvernement camerounais de faire bénéficier l’ancienne zone britannique de l’acquis de 40 ans d’administration française. Nous devons au contraire l’appuyer et lui apporter notre entier concours. C’est dans cette perspective que devra être essentiellement orientée votre action», enjoint l’ambassadeur de France au Cameroun d’alors.

Aussi, Paris est-elle très active tout au long de la mise en œuvre du projet d’assimilation. On le voit notamment à travers les multiples courriers de ses diplomates en poste au Cameroun, sollicitant davantage de moyens pour appuyer le régime d’Ahmadou Ahidjo et le nombre de câbles portant sur les faits et gestes des agents britanniques et nigérians, de même que sur les officiels Américains, accusés de vouloir saboter le projet d’assimilation.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Une jeune fille tuée !!

Crise anglophone - Une jeune fille tuée aux environs de Bamenda  Elle s'appelait Trésor, elle aurait été utilisée comme une espionne pour infiltrer les amba-boys. Cette sale guerre à huis-clos déclarée par Biya continue de décimer des populations en laissant que désolation .. https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=3092223910873465&id=100002576595361 https://kontripipo.com/treasure/ Daniel Essissima

La terreur continue..

UNE GARDIENNE DE PRISON DÉCAPITÉE DANS LE NORD-OUEST Elle était gardienne de prison à Bamenda (cuvée 2004, école de l'administration pénitentiaire) et s'appelait Ayafor Florence. Elle a été kidnappée par des présumés groupes armés lors de son déplacement pour une cérémonie d'obsèques à Pinyin, arrondissement de Santa, département Mezam, région du Nord-Ouest. Son corps sans vie, dépourvu de sa tête a été retrouvé abandonné dans une route. Pendant ce temps, une comédie de dialogue est organisée au palais de congrès de Yaoundé avec des faux anciens Amba-boys.