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Ahidjo dans la crise anglophone

Cameroun / Crise Anglophone : appui de la France au régime Ahidjo dans le projet de la mise en œuvre du projet d’assimilation au Cameroun occidental-anglophone

Des documents, récemment déclassifiés, concernent notamment la période 1961-1985. Ils montrent bien l’existence d’une volonté d’assimiler le Cameroun occidental-anglophone au Cameroun oriental-francophone, pendant le processus de construction de l’Etat unitaire.

«La réunification s’est faite sur une équivoque, Yaoundé considérant que la fédération ne constituait qu’une phase transitoire alors que outre-Mungo l’on voyait dans la réunification la consolidation d’une très large autonomie à l’égard de toute métropole européenne ou africaine». Nous sommes le 08 janvier 1962 lorsque l’ambassadeur de France au Cameroun écrit ces lignes. Jean-Pierre Bernard, en transmettant ses instructions à Ives Robin, le nouveau consul de France à Buea, fait cette précision pour que son collaborateur comprenne dans quel contexte s’inscrit sa mission. 

L’ambassadeur de France au Cameroun d’alors illustre mieux cette équivoque lorsque le 28 novembre 1962, il fait, à l’attention du Quai d’Orsay, le bilan de l’an un de la réunification. «Dès le départ, les malentendus étaient nombreux. Les dirigeants de l’ancienne République, formés à l’école des légistes français souhaitaient un Etat fort, centralisé, unitaire. Sur les pentes du Mont Cameroun, on rêvait d’une République pastorale et patriarcale, que des liens plus sentimentaux que juridiques auraient rattachés à une grande sœur. La réunification représentait plus pour monsieur Foncha (Premier ministre du Cameroun occidental) et son entourage l’espoir d’être aidés et secourus par Yaoundé, que d’être gouvernés par lui», analyse-t-il.

Fédéralisme aux forceps

Comme l’ont souvent soutenu nombre d’historiens, le diplomate français affirme que la colonisation est la cause de ces divergences: «les deux Etats fédérés après une brève période d’union sous la domination Allemande, avaient connu des régimes profondément dissemblables. Le système anglais de l’Indirect Rule avait respecté les structures indigènes et délégué aux autorités traditionnelles une bonne part de responsabilité. L’opposition était fondamentale avec un régime centralisateur, unificateur et législateur à outrance, tel que la République du Cameroun l’avait hérité de l’administration française et qu’elle se plaisait à exagérer certains traits», peut-on lire dans ce câble de Jean-Pierre Bernard du 28 novembre.

Ives Robin, consul de France à Buea: «le bilan est largement positif et si le mouvement non d’harmonisation mais “d’alignement” du Cameroun occidental sur le Cameroun oriental n’a pas été aussi rapide que les autorités fédérales l’auraient souhaité, il est néanmoins en bonne voie»

«Depuis la réunification pour laquelle il avait été contraint d’accepter une constitution fédérale, il a poursuivi patiemment ses efforts en vue d’une centralisation effective», écrit Jacques Dupuy, ambassadeur de France au Cameroun de l’époque, en rendant compte au ministère français des Affaires étrangères d’une visite de 48 heures d’Ahmadou Ahidjo, ancien président du Cameroun oriental, devenu, après la réunification, président de la République fédérale du Cameroun. Nous sommes le 21 avril 1972. Un mois plus tard, Ahmadou Ahidjo organise le référendum constitutionnel du 20 mai 1972 qui transforme la «République fédérale» en «République unie». Pour montrer combien la fin du fédéralisme lui tenait à cœur, le 20 mai devient jour de fête nationale. Paul Biya, son héritier idéologique, qui lui succède à la tête du pays le 06 novembre 1982, parachève l’œuvre en passant de «République unie du Cameroun» à «République du Cameroun».

Projet d'assimilation

Dans sa lettre faisant le bilan de la première année de fonctionnement de l’Etat fédéral, le diplomate ajoute: «Le ministre de l’Education nationale et son entourage se sont en particulier institués les promoteurs acharnés d’une instruction bilingue dans l’enseignement secondaire et supérieur. M. Eteki [Mboumoua] considère sans doute que l’adoption d’une telle formule est susceptible de permettre au Cameroun d’échapper à la fois au monopole culturel français et d’autre part, sur la scène africaine, d’ouvrir à son pays d’assez larges perspectives comme trait d’union entre les Etats francophones et anglophones. Une telle tendance va à contre-courant des buts unitaires poursuivis par le président de la République».

La correspondance du consul de France à Buea au Quai d’Orsay portant sur «la mise en place de la fédération et ses à-coups» enfonce le clou. «Un examen de la situation démontre que le bilan est largement positif et si le mouvement non d’harmonisation mais “d’alignement” du Cameroun occidental sur le Cameroun oriental n’a pas été aussi rapide que les autorités fédérales l’auraient souhaité, il est néanmoins en bonne voie et ne semble pas, à moins d’un évènement extraordinaire, devoir être remis en cause», écrit Ives Robin, le 20 octobre 1962. Pour justifier son évaluation, le diplomate cite même quelques exemples de «réussite»: «la gendarmerie fédérale (…) vient de terminer son implantation et d’obtenir pour le compte du 1er septembre l’ensemble des pouvoirs qui sont les siennes au Cameroun oriental. (…) Enfin, c’est dans le domaine de l’exécution du budget fédéral au Cameroun occidental que la victoire la plus nette a été remportée. Une conférence réunie à Yaoundé les 10 et 11 octobre (…) a décidé que l’exécution du budget fédéral au Cameroun occidental se ferait suivant les règles comptables françaises», peut-on lire dans cette correspondance.

Appui de la France

En fait, il apparait que Paris a toujours été conscient que la réunification s’achèverait par une assimilation. «Étant donné l’importance relative du Cameroun oriental par rapport au Cameroun occidental, la différence du chiffre de population, de richesses, de degré d’évolution des habitants, il est évident que cette politique d’unification aboutira en définitive et dans la plupart des cas à implanter au Cameron occidental la langue, les méthodes administratives, les structures économiques de l’ancienne République du Cameroun», avance l’ambassadeur de France en transmettant ses directives au consul de France à Buea, désigné moins d’un an après le référendum du 11 février 1961, actant la réunification.

De ce fait, le soutient de l’hexagone au processus est naturel : «nous ne saurions nous désintéresser de la volonté du gouvernement camerounais de faire bénéficier l’ancienne zone britannique de l’acquis de 40 ans d’administration française. Nous devons au contraire l’appuyer et lui apporter notre entier concours. C’est dans cette perspective que devra être essentiellement orientée votre action», enjoint alors Jean-Pierre Bernard à Ives Robin. Pour la France, l’objectif est d’étendre son influence sur cette zone. Aussi est-elle très active tout au long de la mise en œuvre du projet d’assimilation. On le voit notamment à travers les multiples courriers de ses diplomates en poste au Cameroun, sollicitant davantage de moyens pour appuyer le régime d’Ahmadou Ahidjo et le nombre de câbles portant sur les faits et gestes des agents britanniques et nigérians, de même que sur les officiels américains accusés de vouloir saboter le projet d’assimilation.

À noter que c’est Ahidjo qui mène le jeu, les anglophones n’ayant d’autre choix que de le suivre. Et la forme fédérale de l’État est loin de lui plaire : il veut un État unitaire avec un régime présidentiel. D’où l’idée de ce référendum organisé le 20 mai 1972, auquel les anglophones – encore moins les francophones – ne se sont pas préparés. Ahmadou Ahidjo a gardé son secret pendant longtemps. Qu’importe, 3 177 846 Camerounais disent oui à l’État unitaire, 176 (!) se prononcent contre.

Le référendum imposé aux anglophones est lourd de conséquences : leur entité est morcelée en deux provinces (Nord-Ouest et Sud-Ouest) et n’a plus de personnalité juridique ; le poste de vice-­président qui leur était dévolu est supprimé. Par la volonté du prince, le 20 mai, date de l’unification du pays, devient celle de la fête nationale. À vrai dire, les anglophones, plusieurs années après ce référendum mené à la hussarde, ont gardé le souvenir amer d’avoir été grugés par Ahmadou Ahidjo, qui se voulait le fondateur de la nation. D’où des velléités séparatistes. 

*sources: Journal intégration - JA - Documents consultés..

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